Une vue d’ensemble (4 novembre 1999)
- Colette Sirat − À propos des archives dans le monde juif
Jusqu’à la conquête d’Alexandre : les royaumes de Juda et d’Israël faisaient partie du monde oriental (Cunéiforme et Égyptien) où des archives économiques existaient depuis pratiquement le début de l’écriture (c. 3000 ans avant notre ère). Cependant, nous n’avons plus que des allusions littéraires à ce que furent probablement : des archives généalogiques (cf. Bible) ; des archives économiques ou diplomatiques.
Durant la période gréco-romaine, il y eut aussi probablement des archives dont, ici encore, il ne reste que des allusions littéraires. Au Moyen Âge, les communautés des pays d’Islam ont consigné dans des registres les actes familiaux, les actes commerciaux et des feuillets ont été conservés dans la Genizah du Caire. En pays chrétiens, des traces des actes diplomatiques et commerciaux existent dans presque toutes les archives royales d’Europe et, semble-t-il, les communautés gardaient trace des actes familiaux, mais il n’en est rien resté. Conclusion sur les archives modernes et la notion d’archives.
- Jean-Louis Ferrary − Archives et bibliothèques dans le monde romain
Limites du sujet abordé : le monde hellénophone ne sera considéré que pour la période de la domination romaine (et pour la période hellénistique dans la mesure seulement où son influence sur Rome a été considérable, notamment dans le domaine des bibliothèques) ; l’Égypte romaine mériterait un traitement à part, qui ne pourra être fait dans le cadre de cet exposé. On essaiera de mettre l’accent sur deux grands problèmes : articulation archives / bibliothèques, et public / privé. On soulignera la diversité des fonds d’archives et de bibliothèques, la nécessité de prendre en compte des sources multiples (textes littéraires, inscriptions et papyrologie documentaire, archéologie), un phénomène général, enfin, d’accroissement des archives (lié au développement de l’administration impériale), mais aussi, jusqu’à la crise du IIIe siècle, du nombre des bibliothèques publiques.
- Paul Gehin − Archives et bibliothèques dans le monde byzantin
Les documents d’archive anciens n’ont pas été conservés. Pour cette période où presque toute la documentation originale a disparu, nous mentionnerons le cas exceptionnel représenté par la petite bibliothèque de Dioscore d’Aphrodité (VIe s.) et nous exploiterons les informations que peuvent apporter les actes des conciles (accessibles uniquement à travers les manuscrits).
Après quelques généralités sur la diplomatique byzantine, nous examinerons deux documents du XIe s. qui nous feront comprendre comment les choses fonctionnent : la Diataxis de Michel Attaliate et le testament de Pacourianos. Dans cette ligne, nous verrons ce que les archives peuvent nous apporter pour la connaissance des bibliothèques byzantines, en nous arrêtant sur le cas privilégié de Patmos. En conclusion, nous insisterons sur le rapport triangulaire objets précieux, livres et documents d’archive.
- Youssef Ragheb − Les archives arabes au Moyen Âge
Les plus anciennes (VIIIe-XIe siècles) transmises par la voie archéologique ont pris le chemin des collections de papyrus ; les plus récentes (XIe siècle-début du XVIe) sont conservées dans divers fonds d’Europe (Espagne, Italie et France) et du monde musulman (principalement Le Caire et Jérusalem). Tantôt publiques et tantôt privées, elles diffèrent de part et d’autre de la Méditerranée : au nord, essentiellement des lettres et des traités internationaux dans les archives d’État, des actes de la pratique dans les archives privées (cathédrale de Tolède et chartriers des grands établissements ecclésiastiques de Sicile) ; au sud, surtout, des actes éternels (fondations pieuses), des actes de vente et des registres de tribunaux dans les fonds publics ; des décrets et des requêtes dans les archives privées qui appartiennent à des communautés juives et chrétiennes, dont les plus considérables sont celles du monastère de Sainte-Catherine au Sinaï.
Discussion
La discussion a porté sur les points suivants : raisons de la création d’archives et de bibliothèques, existence, survie et conservation des archives, différences entre le monde oriental et le monde occidental. Le problème des sources a aussi été abordé, la notion d’archives étant au cœur de l’ensemble des débats.
Le développement des archives et des bibliothèques est mis en rapport avec la notion de valeur de la preuve écrite et avec la permanence d’un pouvoir politique fort. En Orient l’importance de la tradition orale par rapport au témoignage écrit, ainsi que l’absence d’une bureaucratie importante (les archives conservées pour le monde juif seraient essentiellement familiales) peuvent expliquer qu’il subsiste beaucoup moins de documents écrits que dans le monde occidental. À ce propos, on évoque le problème de la rédaction des actes en deux exemplaires (pour l’expéditeur et le destinataire), puis la production considérable de la chancellerie pontificale. Il apparaît cependant que ce qui a survécu pour le monde oriental est probablement bien inférieur à ce qui a existé. Pour le monde juif, il convient de citer l’importante collection de papyrus d’Éléphantine et de noter que les sources narratives, telles que le Livre des Macchabées, peuvent nous fournir d’intéressants témoignages.
En ce qui concerne plus spécialement les bibliothèques du monde oriental, on observe que les livres étaient conservés précieusement dans les synagogues. Il s’agissait de livres religieux qui servaient également pour apprendre à lire. Le rôle des écoles pour l’organisation et la conservation des bibliothèques est évoqué. En Occident, avec le développement du christianisme, ce sont les églises cathédrales et surtout les monastères, au rôle prépondérant (on souligne, à ce propos, l’influence du monachisme byzantin), qui ont conservé aussi bien les documents d’archives que les livres.
N.B. Cette communication a été publiée en 2002 sur la plateforme Ædilis (http://aedilis.irht.cnrs.fr/archives/jeudis_novembre.htm).